
-Dîtes-moi que vous l'avez...
-En effet, mais il est peu demandé...
-Je m'en fous, donnez-le moi, merde !
Elle s'éloigna aussitôt pour revenir avec un fin ouvrage dont elle annonça le prix. Elle attendit deux bonnes minutes qu'Arnaud trouve de quoi payer, et donna enfin le livre. Il sortit, son achat sous le bras, remonta sur la moto de Jérémy puis démarra.
Il s'engagea rapidement dans une rue qu'il connaissait bien, immobilisa le véhicule et tapa le code d'un immeuble. Par chance, il n'avait pas changé. Il pénétra donc à l'intérieur et monta un étage. Il s'installa sur les marches de son ancien immeuble, où avait grandi Maïwen, et commença à lire le livre qu'il avait acheté. Ce recueil de poèmes écrit par sa fille..
A Guy qui aurait dû le connaître,
Un amour ne s'éteint jamais,
Mais on ne peut pas toujours l'exposer.
Certains regrets demeurent
Tandis que des hommes meurent.
Un choix des plus douloureux,
Mais je sais que l'on peut être heureux...
A toi, Arnaud. »
Le père resta un moment bloqué sur la première page, il avait très bien compris le sens des phrases... Il chercha son portable pour appeler Jérémy, en vain puisqu'il l'avait laissé chez lui. Tant pis. Il plongea ses yeux dans les lignes qui lui faisaient face.
Plusieurs heures s'écoulèrent, Jérémy en passa deux assis sur sa chaise. Alors qu'il était perdu dans ses pensées, il releva la tête en entendant Jordane descendre. Il remarqua alors que Natan s'était endormi dans ses bras. Il l'observa en silence.
Ses yeux, les mêmes que son père, étaient fermés. Ses cheveux courts, pas vraiment coiffés, rappelaient un peu ceux de son père... Son sourire était aussi celui d'Arnaud. Mais le visage était de sa mère.
Jérémy le regarda encore un moment, il ressemblait beaucoup à Maïwen en fait... Maïwen. Il ne la connaîtrait jamais. Et personne ne pourrait jamais la revoir. A peine avait-on retrouvé une trace d'elle, qu'elle disparaissait déjà... Définitivement.
Il laissa couler une larme qui s'écrasa sur le beau visage de l'enfant qui se tenait entre ses bras. Il l'essuya aussitôt et se leva pour tendre Natan à sa mère, qui partit le coucher.
Elle redescendit et regarda la pièce, comme si elle venait de remarquer l'absence de son mari.
-Il est où ?
Jérémy indiqua la porte d'entrée de la main.
-Tu l'as laissé sortir ?! Seul ?! Après ce qu'il a appris ?!
Il se contenta de hocher la tête.
-Tu devrais rentrer chez toi, Jérémy... Tu es fatigué, et je sais que... Enfin que ça t'affecte aussi.
Il nia soulevant une question de la part de Jordane. Il parla enfin.
-Il a pris ma moto.
-Alors installe toi sur le canapé !
Il hocha à nouveau la tête, et s'allongea sur le canapé. La femme de la maison lui apporta une couverture et le laissa ensuite seul, ne sachant pas vraiment quoi faire d'autre.
Jérémy attendit le retour d'Arnaud une bonne partie de la nuit. Quand enfin il rentra, il jeta les clefs sur la table et regarda son meilleur ami étendu. Il ne dormait pas, ses yeux étaient ouverts, mais il ne semblait pas avoir remarqué la présence de son ami.
Ce dernier s'assit sur l'accoudoir à côté de la tête de l'homme allongé qui tourna enfin les yeux vers lui.
-T'étais où ?
-A l'appart.
-Tu faisais quoi ?
-Je lisais.
-Quoi ?
Arnaud posa le livre sur le ventre de Jérémy qui regarda furtivement le titre et l'auteur avant de reporter son regard sur Arnaud.
-Bien ?
-Mmh...
-Ca va toi ?
Silence. La jambe qui jusqu'à présent bougeait inlassablement chez Arnaud s'arrêta.
Jérémy savait bien la réponse, il se demanda lui-même pourquoi il avait posé la question...
-Tu devras appeler les autres. Guillaume le premier.
-Pourquoi ?
-Il aurait pu devenir père.
-Dans ces conditions, Waly aussi...
-Maïwen était enceinte. Elle a... enfin voilà quoi.
-Hein ?
Arnaud ouvrit le livre à la première page et la fit lire à Jérémy.
-Ah... Pas explicite, t'es sûr ?
-Son père, c'est bien m...
-C'était.
Le regard noir que lui lança son meilleur ami lui glaça le sang, Jérémy se tut aussitôt.
-C'est ma fille, je sais ce qu'elle veut dire.
Il ne répondit pas, de peur de dire quelque chose de travers à nouveau. Il relut la page puis leva les yeux.
-Demain. Va dormir.
-Non.
-Tu dois te reposer.
-Ca servira à rien, je serai toujours crevé demain, j'aurai toujours mal, je m'en voudrai toujours, rien ne changera, elle ne sera pas devant moi, plus jamais je ne pourrais la prendre dans mes bras, lui dire que je l'aime, que je suis fier, qu'elle m'a manqué... Tu comprends ça Jérémy ?! Plus jamais je ne la reverrai !
-Tu as Jordane, tu as Natan...
-Tu crois que je ne le sais pas ?! Mais putain comprends moi un moment Jérémy, c'est Maïwen ! C'est... Ca fait trois ans que je meurs d'envie de la prendre dans mes bras, de lui dire à quel point elle compte pour moi... Et il a fallu que je m'en rende compte quand elle... Quand elle... J'en peux plus, bordel ! C'est trop injuste, merde ! J'ai jamais voulu ça, qui j'ai emmerdé pour qu'on me pourrisse comme ça, QUI ?! C'est qui le prochain ?! Natan ?! Jordane ?! Toi ?! Ou même moi, ça m'arrangerait bien ! Ca arrangerait tout le monde !
Jérémy sursautait au fur et à mesure que le ton haussait, s'enfonçant de plus en plus dans le canapé où il était à présent assis. Arnaud était penché au dessus de lui, à quelques centimètres de son visage, et il débitait ses paroles en criant. Il se redressa enfin, se passant les mains sur son visage. Jérémy comprit qu'il s'était relevé parce qu'il pleurait. Il n'osait cependant pas bouger, pas même un mouvement qui trahissait de la compassion, il en était incapable.
-Je monte.
Il ne répondit pas, suivant des yeux Arnaud qui s'éloigna presque en courant. Il aurait voulu le rappeler, s'excuser, le soutenir, le réconforter, lui parler... Mais non, il ne fit rien, restant au fond de son canapé.
Savane505, Posté le mardi 12 mars 2013 13:09
euh bin un peu pareil que pour le chapitre précédent, je sens que je vais dormir difficilement moi :-p